La Picane, petit jardin sauvage...

     Ma vue perçante de super-héros ne me trompe jamais et je sais reconnaître les imposteurs, ô combien nombreux dans ce terrain vague mal famé... Je commençai ma tournée ce lundi 17 août à l'heure où la chaleur normande s'abat sur le domaine vers 13h. (Qui a ri ?...)

     Je décidai de commencer du côté de la mare, là où tant d'histoires tragiques se nouent et  ... se terminent ! Après avoir passé le petit salon de jardin vert-amande sur lequel les humains de la Maison ont jeté leur dévolu en juillet, j'entendis bourdonner du côté de la menthe aquatique qui envahit doucement mais surement les alentours de la mare...

     Une guêpe ! Oui...une belle guêpe noire rayée de jaune, ou l'inverse ! En train de siroter un jet de nectar 76* !  C'est ce qu'aurait pu penser un gros bêta d'humain en passant par ici, ils ne savent même pas faire la différence entre une sauterelle et un criquet (je vous expliquerai un jour). Mais on ne trompe pas ainsi votre serviteur qui malgré son masque, a l'oeil et le bon !

"CHRYSOTOXE ! Rends-toi ! hurlais-je, faisant trembler mes palpes.

" Punaise ! ZZZ...ZZ Zamais ! fit la mouche qui bien que surprise, repit rapidement ses esprits en faisant volte-face, abandonnant ainsi son cocktail.

Bien que possèdant deux ailes membraneuses, comme mon imposteur, je n'en suis pas moins un hémiptère, ce qui signifie qu'il me faut d'abord ouvrir mes élytres pour le décollage. Cela laisse le temps à ce diptère de chrysotoxe, un syrphe en plus de cela, de se faire la belle chez le voisin chez qui il pourra toujours essayer d'étancher sa soif, car les humains d'à côté sont plutôt du genre "jardin à la française", si vous voyez le tableau (je ris à m'en décrocher le rostre !) Bon, je n'ai rien contre les syrphes, du moins pas plus que mes autres proies, mais certains m'agacent vraiment à se faire passer pour des guêpes et faire peur à tout le monde dans le jardin ! Pas loyal ça !

Autrefois les humains les méconnaissaient, ils leur donnaient des surnoms comme "guêpette", savaient pas trop si ça piquait, tout ça... Mais aujourd'hui, quel changement ! V'là ti pas qu'ils les élèvent à coup d'hôtel cinq étoiles dans le jardin parce que, disent-ils, ils favorisent la pollinisation, ce sont des "auxiliaires du jardin", oui Madame ... sortez les violons ! S'il y a parmi les lecteurs de ce billet, des humains, et bien j'ai deux mots à leur dire :

1- Si pour éviter de se faire écraser,  il faut transporter un peu de pollen sur nos guiboles, il suffisait de le dire, j'en parlerai à mes potes arachnides qui s'en colleront quelques grains...

2- Si vous cherchez des auxiliaires du jardin, en voici un à utiliser sans modération :

Mais revenons à nos syrphes, le seul talent que je leur concède, c'est la qualité de leur surplace : remarquable ! Néanmoins, je reconnais ma tendance à préférer celui des zygoptères (les libellules pour les intimes), plus coloré, plus majesteux ... Coquetterie d'insecte me direz-vous ? Je pencherais plutôt pour la solidarité entre carnivores mais il est si difficile d'être objectif quand on est un réduve...

Mais revenons à nos fleurs de menthe : quelques secondes après cette brève altercation, quel ne fut pas mon bonheur de voir un petit gamin bourdon terrestre atterrir sur la fleur libérée de toute calomnie pour y savourer un délicieux sirop ! Pas de lézard avec les bourdons : ils viennent tels qu'ils sont et ça, ça me plait dans le monde dans lequel on vit !

" Attention petit ! dis-je avant de poursuivre ma patrouille en direction des citrouilles, que du frais hein, pas fermenté !" Les jeunes d'aujourd'hui... Enfin... de ce midi, pas oublier qu'ils seront vieux ce soir...

 -  -  -  -  -  -  -  -  -  -  -  -

* pour les géographes amateurs : le jet de nectar 76 est un cocktail traditionnel seino-marin, on retrouve la même camelote dans le département voisin, l'Eure, sous l'appelation jet de nectar 27, les autochtones, habitués du breuvage et appréciant les raccourcis, parlent volontiers de jet 27.

Le réduve masqué.